JAPON : LE TRAIN-TRAIN DU PELERIN

Le Japon, c’est comme un bon chocolat, une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer ! Ma nouvelle destination : l’île de Shikoku célèbre pour son « pèlerinage des 88 temples ». Comme je n’ai pas quarante jours devant moi, je teste la formule train-rando. Une combinaison gagnante.

 Rencontres et spiritualité à Shikoku, Japon

Rencontres et spiritualité à Shikoku, Japon

 

Qui dit Shikoku, dit Kukai – appelé après sa mort Kobo Daishi-, le fondateur de l’école bouddhique du Shingon au IXe siècle. Permettez-moi ici de ne pas développer les caractéristiques de cette école – une page n’y suffirait pas – pour vous causer plutôt de Kukai qui était non seulement un grand religieux, mais aussi un éminent homme de lettres, un philosophe, poète et calligraphe. Selon la tradition, ce moine a fondé sur son île natale un pèlerinage qui en fait le tour dans le sens des aiguilles d’une montre en s’arrêtant dans 88 temples. Marcher sur ce chemin permet au pèlerin, dit-on, de se libérer des 88 passions matérielles. C’est fort tentant, mais très long. Il faut au moins une quarantaine de jours pour venir à bout de 1200 kilomètres. Impensable pour un Japonais qui a l’habitude de compter sur les doigts d’une main ses jours de congé. Heureusement, il y a le chemin de fer.

En alternant marche et train, il est possible de boucler le pèlerinage en une dizaine de jours à condition d’accepter de rentrer chez soi avec toujours dans sa besace ces détestables passions matérielles, car il devient alors impossible de visiter tous les temples. À vrai dire, les Japonais s’en moquent un peu. Aujourd’hui, moins de la moitié des pèlerins se déclarent bouddhistes. Combien de catholiques parmi les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle ? Pas davantage. Le renouveau de ces anciens pèlerinages coïncide avec une quête de sens où la spiritualité n’a pas toujours sa place.

Dites 88 !

Après avoir compté sur mes doigts les jours à ma disposition, j’opte donc pour la formule train-marche. Je n’oublie pas de me munir de l’équipement du parfait pèlerin : chapeau conique (sugegasa), veste blanche (hakui) et canne de bois (kongozue). Je laisse de côté le chapelet et les sandales de paille. Dans ma poche, j’ai mon All Shikoku Rail Pass qui me permet d’emprunter le train à ma guise. Celui-là n’a rien à voir avec le fameux Shinkansen qui déboule à plus de 300 km/h au pied du vénérable Fuji-Yama. Il est plutôt du genre pépère. Parfait pour contempler le paysage tout en dégustant un bento. Mais revenons à nos temples. Je n’oublie pas de m’incliner chaque fois que je franchis leur porte, puis je vais à la fontaine pour me purifier. D’abord la main droite, puis la gauche et enfin la bouche. Je n’oublie pas avant de franchir la porte dans l’autre sens de recueillir dans mon carnet de pèlerin le précieux tampon rouge qui atteste de mon passage. Fin de la journée, un ryokan (auberge traditionnelle japonaise) m’attend. Dans le plus simple appareil ainsi que le veut la tradition, je fais mes ablutions dans le bain chaud en compagnie des autres résidents mâles. En sortant, j’enfile mon yukata (kimono en coton léger). Il est l’heure de manger. Tout est calme. Je ressens la vacuité de l’existence et je suis serein. Je me couche sur un futon déroulé à même le sol en comptant les temples. Je n’arrive pas à jusqu’à 88.

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